En France, plus de 60 % de la population respire un air pollué, qui cause chaque année plus de 48 000 décès prématurés (soit plus d’une centaine par jour). L’enjeu sanitaire de la pollution de l’air est aujourd’hui au cœur des politiques de transport : celui-ci représente en effet une part importante des émissions, et donc des solutions.
En France, le transport routier est responsable de 20 % des émissions de particules très fines (PM2,5), dangereuses car capables de pénétrer jusque dans le système sanguin. En Ile-de-France, le transport routier est responsable de 35 % de ces émissions et de 58 % à Paris. Les particules fines issues de la combustion du diesel ont été classées cancérigènes par l’OMS.
Le secteur du transport routier est également responsable de 56 % des émissions françaises d’oxydes d’azote (NOx), gaz irritant et précurseur à la formation d’ozone. Les véhicules diesel (surtout les plus anciens) sont responsables à plus de 90 % de ces émissions.
Si les émissions issues du transport diminuent chaque année (notamment grâce aux normes Euro qui définissent des seuils d’émissions pour les nouveaux véhicules mis sur le marché), celles-ci restent trop élevées, notamment en zone urbaine, et provoquent, outre des pics réguliers, une situation de fond où les concentrations en polluants restent importantes.
Depuis 1990, les émissions de nombreux polluants ont été divisées par 2, voire par 3. L’implication des différents secteurs émetteurs (industrie, transport, résidentiel, …) ainsi qu’une réglementation forte sur les rejets polluants (Normes Euro, directive IED, norme EMNR, …) a permis de réduire les émissions, mais les concentrations de polluants dans l’air dans les grandes zones urbaines restent au-dessus des seuils définis par l’Union Européenne et très au-dessus des recommandations de l’OMS.
Evolution des émissions de polluants en France, tous secteurs d’activités (base 100 en 1990) – Données CITEPA 2017
Afin de réduire encore ces émissions, des mesures incitatives, en particulier pour le secteur des transports, sont prises au niveau national (primes pour le renouvellement de vieux véhicules polluants, développement de l’électromobilité, …) et au niveau local (primes pour l’achat de vélos et VAE, aides au renouvellement des véhicules anciens, …). Si ces mesures incitatives, associées aux normes Euro ont permis de réduire les émissions des véhicules avec leur renouvellement, le parc national de véhicules reste très hétérogène : certains véhicules sont très émetteurs, d’autres beaucoup moins. C’est donc sur ces premiers qu’il faut agir en priorité.
Depuis le 1er septembre 2015, la ville de Paris a mis en place une Zone de Circulation Restreinte sur l’ensemble du périmètre intra-périphérique. Visant d’abord les véhicules lourds (camions et cars), ces restrictions ont été étendues aux véhicules particuliers et utilitaires de moins de 3,5 t au 1er juillet 2016 (interdiction des véhicules non classés Crit’Air). Le 1er juillet 2017, ces restrictions ont été encore étendues et concernent désormais les véhicules Crit’Air 5, c’est-à-dire les véhicules légers diesels Euro 2 et les Poids lourds EURO III.
Cette politique de restriction, largement critiquée car considérée comme discriminante économiquement (ce sont les plus pauvres qui doivent renouveler leurs vieux véhicules polluants) présente un intérêt démontré au niveau européen avec les dispositifs de Low Emission Zones, en œuvre depuis les années 1980. Ces dispositifs, en réduisant l’accès à une zone pour les véhicules les plus polluants, contribuent à accélérer le renouvellement du parc. Couplé à des dispositifs de type prime à la casse, les LEZ permettent d’éliminer les véhicules les plus polluants du parc national. Ces zones ne permettent pas de réduire la circulation, mais font évoluer les véhicules circulant dans et autour de la zone et accélèrent donc la baisse des émissions.
Mis en œuvre relativement tard en France par rapport à beaucoup d’autres pays européens, le dispositif de ZCR trouvera vite ses limites. En effet, si les interdictions peuvent concerner 15 % du parc, elles ne peuvent pas concerner 50 % des automobilistes. Ainsi la ZCR accélère le renouvellement des « retardataires » mais devra ensuite suivre le renouvellement naturel des véhicules.
Accélérer ce renouvellement est d’un réel intérêt quand on sait qu’un véhicule Euro 2 émet 4 fois plus de particules fines (PM10) au km roulé qu’un véhicule diesel Euro 6. Cependant si le renouvellement des véhicules permet de réduire les émissions de particules à l’échappement, il n’agit pas sur les émissions issues de l’abrasion (roues, freins). La part relative des particules fines issues de la combustion et de l’abrasion tend d’ailleurs à s’inverser.
Comme le montre le schéma ci-dessus, la plupart (80 %) des PM10 d’un véhicule diesel Euro 2 sont issues de la combustion. Les normes Euro ont permis de réduire fortement ces émissions puisque sur un Euro 6, elles ne représentent plus que 13 % des émissions totales. Les émissions issues de l’abrasion ont quant à elles peu évolué entre les normes. Le résidu de particules issues de l’abrasion reste un enjeu, et avant toutes améliorations techniques, sa diminution passera tout simplement par une baisse de l’usage de la voiture individuelle.
Les émissions françaises de NOx, qui dépassent les seuils fixés par l’Union Européenne, sont en grande part liées au transport (56 % des émissions, majoritairement issues des véhicules diesel). Encore une fois, le renouvellement des véhicules a donc un intérêt certain dans la baisse des émissions globales, même si le diesel reste peu performant en termes d’émissions de NOx.
Les motorisations actuelles ont démontré leurs limites, notamment en termes d’impacts environnementaux, et les constructeurs ont de plus en plus de difficultés à s’aligner sur les seuils d’émissions fixés par Bruxelles comme l’illustre l’affaire du « dieselgate ». Le développement de motorisations « propres » attire donc l’intérêt des politiques qui y voient un compromis entre mobilité individuelle motorisée et amélioration de la qualité de l’air, notamment en zones urbaines.
La motorisation électrique pour les véhicules particuliers et utilitaires légers bénéficie ainsi d’un véritable engouement même si le marché tarde à vraiment décoller, et le gaz (GNC, GNL) fait l’objet de perspectives intéressantes pour les véhicules lourds.
Le renouvellement des véhicules, vers des motorisations plus récentes ou vers d’autres carburants, présage quoi qu’il arrive d’une diminution des émissions de polluants au niveau national. Une part de ces émissions (PM issues de l’abrasion) reste cependant incompressible. La prochaine étape politique de reconquête de la qualité de l’air passera par une réduction forte de la place de la voiture (même récente !) dans les zones urbanisées.
D’autres solutions de mobilité trouveront alors leur âge d’or (transports en commun, modes actifs, …) et contribueront à rendre nos villes plus respirables.