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L’intermodalité pour une logistique urbaine durable, oui mais…

La logistique urbaine est un véritable enjeu de transport et mobilité de ces dernières années, notamment du fait de l’explosion du commerce en ligne. L’acheminement des marchandises dans le centre des agglomérations, leur traitement au plus proche des zones de livraison, ainsi que la livraison finale et le retour éventuel (produits renvoyés, à recycler et déchets), constituent aujourd’hui un enjeu en termes de développement durable.

Ce dernier maillon de la chaîne logistique, souvent défini comme la « logistique du dernier kilomètre », concentre une multitude d’enjeux spécifiques :

  • Encombrement de la voirie, espaces de stationnement pour les livraisons
  • Pollution de l’air en zone urbaine
  • Emissions de GES
  • Forte hausse des emballages cartons associés aux livraisons : nouveau flux de déchets
  • Coût élevé de la livraison en porte à porte

La logistique urbaine représente environ 20 % du coût total de la chaîne logistique. Ce coût élevé s’explique par la complexité de la zone urbaine comme périmètre de transport et de livraison.

Depuis la fin des années 1980, l’activité logistique a peu à peu quitté les centres villes pour rejoindre la périphérie des bassins de consommation. Ce mouvement, s’expliquant par un prix en hausse du foncier nécessaire pour l’entreposage et les espaces logistiques, l’assimilation de la logistique à une activité industrielle ou encore le coût modéré du transport, trouve aujourd’hui ses limites face aux enjeux actuels. La réflexion autour de la logistique de demain porte donc sur une réorganisation du schéma logistique des villes afin de rapprocher les espaces de stockage et de distribution des zones de consommation et de livraison. Cette approche nécessite de considérer la logistique comme un des aspects essentiels de la programmation urbaine et de l’aménagement du territoire, au même titre que l’accès aux transports en commun, ou encore aux services de proximité.

La place prépondérante que prend aujourd’hui la question de la qualité de l’air dans la programmation des transports en ville a conduit à remettre sur le devant de la scène des modes comme le fluvial et le ferroviaire,  dont les parts modales peinent à augmenter depuis une vingtaine d’années. Au-delà de permettre un transport massifié des marchandises jusque dans le centre-ville en évitant la route, ces modes sont perçu comme particulièrement vertueux en termes environnementaux.

Le ferroviaire et le fluvial sont tous deux des modes particulièrement vertueux en termes d’émissions de CO2 : ainsi, le transport d’une tonne de marchandise sur un kilomètre émet 20 fois moins de CO2 pour une barge fluviale que pour un camion récent. Le trafic ferroviaire, lui, a quasiment des émissions nulles pour le transport de la même tonne de marchandise (principalement traction électrique).

Cependant, il est essentiel de bien différencier les émissions de GES, responsables du dérèglement climatique, des émissions de polluants locaux (NOx, PM, COV, HC, CO, …) à l’impact sanitaire lourd pour les populations exposées. Si les émissions de GES sont proportionnelles au carburant consommé, les émissions de polluants locaux dépendent de l’installation de filtres et systèmes de traitement des rejets polluants sur les moteurs.

La question est en effet tout autre quand on regarde les émissions de polluants locaux. Les barges fluviales sont le plus souvent motorisées avec de très vieux moteurs et la durée de vie des bateaux approche les 30 – 40 ans. L’absence de norme d’émissions jusqu’il y a peu pour ces véhicules a conduit à un parc actuel de barges fluviales très émettrices de polluants locaux.

Ainsi, en comparaison à un véhicule routier EURO VI (la dernière norme en date), une barge fluviale émet en moyenne 14 fois plus d’oxydes d’azotes et 6 fois plus de particules fines pour le transport de la même quantité de marchandises. La nouvelle norme EMNR (Engins Mobiles Non Routiers), construite sur le modèle des normes EURO, contribue à réduire les émissions des nouvelles barges. Le renouvellement cependant très lent du parc de bateaux fluviaux limite grandement à court terme l’impact de cette norme puisque des bateaux très polluants vont continuer de circuler pendant plusieurs années sur les voies fluviales.

La mise en avant du fluvial dans la logistique urbaine comme solution climatique et sanitaire doit donc considérer les émissions polluantes associées à ce mode et promouvoir l’équipement de ces bateaux de filtres à particules pour atteindre des performances similaires voire meilleure que la route. Cet équipement en retrofit est beaucoup plus aisé sur un bateau que sur un camion et les coûts sont tout à fait soutenables.

Les émissions du fret ferroviaire sont également à considérer. Certes, les émissions de CO2 sont réduites au maximum, et le rail électrifié permet l’économie de nombreuses émissions de polluants (Nox, COV, CO, HC, …). Il n’en reste pas moins que l’abrasion des rails est responsable de nombreuses émissions de particules fines métalliques, dont l’impact sanitaire est aujourd’hui peu connu. On considère ainsi que le ferroviaire émet 6 fois plus de particules fines que les véhicules routiers pour transporter la même quantité de marchandise sur une distance donnée. Cette donnée, si elle doit être considérée, doit également être relativisée par rapport à la nature même de ces particules (si l’impact sanitaire des particules issues du diesel est bien connu et classé cancérigène, les particules issues de l’abrasion des rails, roues, freins et caténaires n’ont pas directement fait l’objet d’études spécifiques).

La logistique urbaine doit donc relever des défis importants en termes d’intégration des enjeux de qualité de l’air dans les modèles retenus. La logistique urbaine durable trouvera son équilibre dans une équation entre réduction de l’impact climatique, émissions minimales de polluants locaux et intégration des enjeux de bruit ou encore de l’encombrement de la voirie. Cette équation trouvera des solutions dans une approche globale de l’urbanisme et du transport, mêlant déplacement des personnes et des marchandises.